Portrait sommaire de l'état de santé et de bien-être de la population jamésienne

On peut apprécier certaines améliorations de la santé de la population jamésienne au cours de la dernière décennie. Cependant, il faut garder en tête qu'un bilan positif de santé peut rapidement s'en trouver affecté puisque la réalité des Jamésiens est marquée par une baisse démographique continue et un vieillissement accéléré de la population. Qui plus est, cette réalité est également assujettie aux variations cycliques d'une économie axée sur l'exploitation des ressources naturelles ainsi qu'aux perspectives d'un développement nordique. Les prévisions demeurent difficiles à établir puisqu'elles peuvent changer rapidement, favorablement ou défavorablement, en fonction du marché économique.


Une population en décroissance et qui vieillit rapidement

Selon les données du recensement de 2011, la population de la région sociosanitaire du Nord-du-Québec était de 14 140 résidents, soit près de 0,2 % de la population du Québec. La région comptait 6 765 femmes et 7 360 hommes. La taille des localités varie de 300 à 7 750 personnes.

Entre les recensements de 2006 et 2011, la région a enregistré une baisse de sa population de 4,9 %, soit 732 habitants de moins. Certaines localités de la région ont été marquées par de plus importantes décroissances (-20 %) alors que d'autres sont demeurées stables. D'après les projections, le déclin devrait se poursuivre jusqu'en 2031 à moins d'un développement nordique important tel qu'annoncé par le gouvernement.

Alors que la population totale diminue, celle âgée de 65 ans et plus augmente rapidement (36 %), faisant passer l'indice de dépendance démographique, de 52 % en 2006 à 56 % en 2011. Comme les premiers Jamésiens de la génération du baby-boom ont eu 65 ans en 2011, il faudra s'attendre, dans un espace-temps délimité, à une croissance du nombre et du type de services destinés aux ainés ainsi que leur niveau d'utilisation.

Le niveau de scolarité de la population jamésienne s'est amélioré au cours de la dernière décennie. Entre 1996 et 2006, la proportion de la population âgée de 25 à 64 ans ayant un grade universitaire (au moins un baccalauréat) est passée de 5 % à 8 %. Cependant, il demeure qu'un Jamésien sur quatre du même groupe d'âge n'a toujours pas de diplôme d'études secondaires. Cette proportion figure parmi les plus élevées au Québec.


Une situation socioéconomique difficile à caractériser

Bien que la situation socioéconomique de la population jamésienne semble favorable à l'égard de l'emploi et du revenu, il demeure que le taux de chômage, historiquement plus élevé que celui du Québec, laisse à penser que la vulnérabilité économique persiste, comme c'est souvent le cas dans une région-ressource soumise aux aléas du marché mondial. En effet, la faible diversité des activités du secteur primaire, combinée à la prédominance des entreprises de grande taille, contribuent au développement de localités mono-industrielles, rendant la région vulnérable aux vicissitudes de l'économie. Tout comme pour le Québec, après une période de récession, on constate en 2011 une amélioration du marché du travail.

Les périodes de flux et de reflux de l'activité économique dans la région font varier les effectifs de population. À chaque fois qu'il a été constaté une baisse du niveau de l'activité économique dans la région, on a observé une diminution de la population de 15 ans et plus avec comme effet induit, une augmentation du taux de chômage. De ce fait, les données censitaires indiquent que les taux de chômage dans la région sont toujours supérieurs à ceux du Québec. Il ressort également que le chômage est nettement plus élevé chez tous les groupes : hommes, femmes, population de 15 à 24 ans, ainsi que celui de 25 ans et plus. Paradoxalement, c'est parmi ces mêmes groupes que l'on retrouve au Nord-du-Québec, des taux d'emploi plus élevés que ceux observés au Québec. C'est donc dire que, toute proportion gardée, la région du Nord-du-Québec compte à la fois beaucoup de travailleurs, beaucoup de chômeurs et moins de résidants. Par conséquent, il n'existe pas de relation automatique entre l'emploi et le chômage et que des variables intermédiaires peuvent perturber cette relation.

Dans la région, chômage élevé, ne rime pas nécessairement avec vulnérabilité économique. Comparativement au Québec, la région compte la moitié moins de personnes vivant sous le seuil de faible revenu (Nord-du-Québec : 6 % c. Québec : 13 %). L'insuffisance du revenu est une réalité vécue par 7 % des jeunes de moins de 18 ans et par à peine 1 % chez les personnes de 65 ans et plus. Fait intéressant à noter : sur une période de10 ans, la proportion de personnes vivant sous le seuil de faible revenu a diminué dans tous les groupes (jeunes et aînés; hommes et femmes). Quant au revenu personnel par habitant, il demeure parmi les plus élevés au Québec.


Un état de santé global positif

L'espérance de vie et l'espérance de vie en bonne santé (EVBS) sont des indicateurs d'usage répandu pour apprécier l'état de santé relatif d'une population. Ils reflètent le nombre d'années que devrait vivre, en principe, une personne si les profils actuels de mortalité et d'incapacité continuaient de s'appliquer. L'espérance de vie constitue donc une mesure de « quantité » alors que l'EVBS s'avère une mesure de qualité de vie.

Dans les dernières années, l'espérance de vie a augmenté dans la région. Sur une période de 24 ans (1985-1989 à 2005-2009), l'espérance de vie à la naissance dans la région a augmenté de 6,3 ans. Cette augmentation est plus importante chez les Jamésiennes que chez les Jamésiens (11 ans c. 4 ans). On observe que l'espérance de vie des Jamésiennes est significativement supérieure à celle des Québécoises.

Chez les personnes de 65 ans et plus, l'espérance de vie est de 20,3 ans en 2005-2009. Ainsi, selon les conditions de mortalité de 2005-2009 dans la région, en moyenne, un homme âgé de 65 ans pouvait s'attendre à vivre encore 17 années de plus et une femme 26 années. Cependant, l'EVBS à 65 ans est demeurée stable alors qu'on observe une augmentation au Québec.



Un environnement social appréciable mais préoccupant chez les aînés

Le contexte de vie des individus et les relations qu'ils entretiennent avec les autres doivent être considérés pour une compréhension globale de la santé d'une population. Dans la région, la qualité des liens entretenus, la participation sociale et la diversité de l'aide rendent l'environnement propice, voire protecteur, à la santé et au bien-être d'une majorité de Jamésiens. En comparaison avec l'ensemble du Québec, les Jamésiens se distinguent favorablement en ce qui a trait au sentiment d'appartenance qu'ils ont développé et participent activement à la vie communautaire en s'impliquant au sein d'organismes.

Bien que seulement 10 % de la population jamésienne de 12 ans et plus ait un niveau faible ou modéré de soutien social, on sait que cette proportion augmente avec l'âge. Près de 1 personne sur 5, âgée de 65 ans et plus, se trouve dans cette catégorie. Cette situation préoccupe puisque dans la région, de plus en plus de personnes de ce groupe vivent seules (23 % en 2001 c. 27 % en 2011) et avec le vieillissement rapide observé, cette tendance devrait être plus marquée dans les années à venir.


Des habitudes de vie à améliorer

Le non-usage du tabac, la saine alimentation et le mode de vie physiquement actif demeurent des habitudes de vie à promouvoir au sein des Jamésiens puisqu'elles permettent d'améliorer la santé et qu'elles réduisent les risques de développer certaines maladies et complications. Dans la région, trop de Jamésiens fument (30 %) et bien que les habitudes alimentaires se soient améliorées dans la dernière décennie, elles se traduisent encore par une faible consommation de fruits et de légumes (la moitié des Jamésiens en consomment moins de 5 fois par jour). Quant à la pratique d'activité physique de loisir, la population se démarque positivement puisque la proportion de sédentaires est toujours significativement plus faible que celle des Québécois (respectivement 19 % c. à 25 %).


L'alcool et les drogues : beaucoup d'adultes et de jeunes en consomment

Certains indices révèlent que l'usage abusif d'alcool et de drogues par les Jamésiens mérite d'être soulevé. En effet, près de 3 Jamésiens sur 4 boivent de l'alcool sur une base régulière et depuis une dizaine d'années, on remarque que la fréquence de consommation abusive augmente significativement. La même situation est observée chez les élèves du secondaire : ils sont proportionnellement plus nombreux que leurs homologues québécois à consommer de l'alcool, s'y initier précocement, à connaître un épisode de consommation régulière et à consommer de l'alcool de façon excessive. Les mêmes observations prévalent quant à la consommation de drogues et le Nord-du-Québec se démarque significativement des autres régions. En fait, les hommes, jeunes et adultes, sont nombreux à en consommer ou à avoir déjà consommé.

Les maladies chroniques : plus de Jamésiens en sont affectés, plus de Jamésiens en décèdent

Le défi que posent les maladies chroniques s'accroît avec le vieillissement de la population, car leur prévalence augmente avec l'âge. Elles affectent beaucoup la qualité de vie des personnes atteintes ainsi que leur entourage, sans oublier les pressions sur les ressources du réseau de la santé et des services sociaux. On estime que la moitié de la population âgée de 12 ans et plus aurait au moins un problème de santé chronique, et le quart en aurait au moins deux.

La région du Nord-du-Québec n'échappe pas à cette situation. En effet, les maladies chroniques constituent la première cause de mortalité chez les Jamésiens. À eux seuls, les cancers, les maladies cardiovasculaires, les maladies pulmonaires obstructives chroniques et le diabète de type 2 sont responsables de 7 décès sur 10 dans la région.

Les maladies chroniques figurent également parmi les plus morbides. Les maladies de l'appareil circulatoire et celles de l'appareil respiratoire représentent les deux principales causes d'hospitalisation des Jamésiens. Les taux d'hospitalisation s'avèrent significativement plus élevés lorsque comparés à ceux du reste du Québec et cette tendance persiste dans le temps.

L'obésité connaît également une augmentation inquiétante. Dans la région, 1 Jamésien sur 5 était considéré obèse en 2009-2010 et la prévalence montre une tendance à la hausse depuis dix ans. Quant à la situation des élèves du secondaire, elle est tout aussi préoccupante puisqu'un jeune jamésien sur 10 était considéré obèse en 2010-2011.


La prévalence élevée des cancers

La lutte contre le cancer représente un enjeu de première importance dans la région puisque leur prévalence est en augmentation et qu'elle entraîne des décès prématurés. Déterminées en fonction de l'espérance de vie, les années potentielles de vie perdues au cours de la période 2005 2009 ont représenté 1 413 années, correspondant à 36 % de la mortalité prématurée chez les Jamésiens comparativement à 18 % pour le reste du Québec.

Les données populationnelles sur cette maladie montrent qu'entre 1990 et 2010, 125 nouveaux cas ont été enregistrés. Entre 2006 et 2010, 2,4 % des Jamésiens, comparativement à 2,7 % pour le Québec, auraient souffert d'au moins un cancer, soit une progression de 6 % par rapport à la période 2001-2005. L'incidence du cancer est plus forte chez les hommes (61 pour 10 000 personnes) que chez les femmes (49 pour 10 000 personnes) pour la période 2006 à 2010. Les cancers du sein et des poumons ont été les plus diagnostiqués auprès des Jamésiennes. Chez les Jamésiens, ce sont les cancers de l'appareil respiratoire, notamment des poumons, de la prostate et du côlon-rectum qui ont été les plus diagnostiqués.

Au cours de la période de 2008-2012, le taux ajusté de morbidité hospitalière pour tumeurs malignes dans la région était significativement plus élevé que celui observé dans l'ensemble du Québec (78,4 pour 10 000 personnes c. 74,2 pour 10 000 personnes), représentant 563 hospitalisations. Les Jamésiennes sont davantage hospitalisées pour des tumeurs que les Québécoises (83,3 pour 10 000 personnes c. et 70,7 pour 10 000 personnes).

Les Jamésiens présentaient en 2007-2009 une mortalité par cancer supérieure à celle du Québec (25,9 pour 10 000 personnes c. 23,5 pour 10 000 personnes) qui pourrait résulter, entre autres, d'une prévalence élevée du tabagisme. Avec 41 % de l'ensemble des décès dans la région, les tumeurs malignes constituent la première cause de mortalité pour la période 2007-2009.

Dans la mesure où le vieillissement, les habitudes de vie et les conditions de travail sont des facteurs non négligeables dans l'apparition du cancer, l'hypothèse implicite serait alors d'assister, dans les années à venir, à une augmentation relative du cancer dans l'ensemble des décès dans la région.

Il est nécessaire de prendre un virage préventif afin de réduire le nombre de décès dus au cancer dans la région. L'augmentation prévisible de nouveaux cas de cancers pourrait, à long terme, avoir un effet important sur la demande de services liés à la lutte contre le cancer et, par conséquent, exercer une certaine pression sur les services diagnostiques et thérapeutiques ainsi qu'une demande accrue en soins palliatifs.


Une perception très positive de l'état de santé physique et mentale

Malgré tout, la population jamésienne se perçoit majoritairement en très bonne santé, tant physique que mentale, et ce, dans des proportions significativement plus élevées que celles de leurs homologues québécois. Également, la proportion de personnes insatisfaites à l'égard de sa vie sociale est plus faible qu'ailleurs au Québec, les Jamésiens présentent un niveau moins élevé de détresse psychologique que les Québécois et plus de Jamésiens ont un médecin de famille.


Un bilan mitigé quant à la santé des travailleurs

Le constat apparaît plus mitigé chez les travailleurs. Bien que peu de Jamésiens vivent des exigences psychologiques élevées à leur travail, il n'en demeure pas moins que beaucoup de travailleurs affirment être exposés à des risques pouvant affecter leur santé physique et ultimement, mentale. En effet, on observe une proportion plus élevée de travailleurs jamésiens souffrant de troubles musculosquelettiques (TMS) liés au travail que celle observée au Québec (respectivement 22 % c. 18 %) et environ deux Jamésiens sur cinq qui souffrent de TMS sont sans emploi.

Mentionnons que dans la région, on retrouve beaucoup d'emplois, à prédominance masculine, liés à l'industrie minière et forestière, lesquels sont reconnus pour leur exigence physique, leurs conditions d'exercice difficiles et le plus souvent avec des horaires qui s'étendent sur plusieurs jours sans congés et sur de longues heures. Ces caractéristiques expliquent, en partie, les proportions plus élevées de travailleurs exposés à des risques. Dans la perspective d'un développement nordique, les enjeux du marché du travail seront à prendre en compte puisque le travail s'avère un déterminant important de la santé d'une population.

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Tout bien considéré, le bilan de l'état de santé et de bien-être des Jamésiens apparaît encore favorable, mais il s'en trouve tout de même vulnérable. Plusieurs défis se profilent en raison de la décroissance démographique, des conditions socioéconomiques variables, de l'augmentation inquiétante des cancers et surtout, avec le vieillissement accéléré de la population jamésienne. Certaines tendances rappellent la nécessité de poursuivre, voire, d'intensifier les actions qui peuvent faire une différence sur la santé globale.

L'état de santé et de bien-être des Jamésiens démontre une prévalence élevée des maladies chroniques avec des conséquences sur l'utilisation des services sociaux. La prise en charge des malades entraîne des coûts, directs et indirects, supportés en partie par le système de santé. L'enjeu majeur sera d'œuvrer pour que les maladies chroniques ne risquent pas de devenir un fardeau économique et social auquel le système de santé et de services sociaux de la région doit faire face. Avec une priorisation d'actions concertées en promotion et en prévention, une réorganisation du système axée sur les principaux facteurs de risques communs aux principales maladies chroniques s'avère d'une nécessité.

Tous ces défis convergent vers un objectif structurant : inscrire notre organisation de santé dans une dynamique de performance afin de faire face à l'éventuelle augmentation des dépenses associées aux soins de santé et demandes de services.

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FAITS SAILLANTS :

Les éléments de pression, actuels et anticipés, qui influencent le réseau de santé et des services sociaux du Nord-du-Québec :

• La décroissance continue de la population jamésienne, mais qui pourrait rapidement être renversée par une arrivée massive de travailleurs masculins.

• Une croissance importante des aînés ainsi que le soutien social nécessaire à leur santé puisque de plus en plus de personnes âgées vivent seules.

• Malgré certaines améliorations au cours des dernières années, les Jamésiens sont encore nombreux à ne pas avoir adopté de saines habitudes de vie, notamment le tabagisme élevé et la faible consommation de légumes et de fruits.

• Certains comportements défavorables à la santé tels que la consommation excessive d'alcool et de drogues, et ce, autant chez les jeunes que les adultes, pourraient avoir des conséquences pendant de nombreuses années.

• La progression des cancers inquiète : les données de prévalence, d'hospitalisations et de mortalité sont élevées.

• La proportion de personnes affectées par un surplus de poids, facteur de risque important à plusieurs maladies chroniques, montre une tendance à la hausse depuis une dizaine d'années.

• Beaucoup de travailleurs sont exposés à des risques pouvant affecter leur santé physique et une prévalence plus élevée de troubles musculosquelettiques liés au travail.


La population jamésienne se démarque quant à :

• L'espérance de vie et l'espérance de vie en bonne santé se sont prolongées dans la région.

• La situation socioéconomique dans la région semble favorable à l'égard de l'emploi et du revenu et conséquemment, moins de Jamésiens vivent avec des revenus insuffisants. Cependant, le fait qu'il y ait peu de personnes précaires économiquement ne signifie pas qu'il n'en ait pas. Les problèmes de santé et les habitudes de vie néfastes sont généralement plus répandus auprès de ce groupe.

• La qualité des liens entretenus, la participation sociale et la diversité de l'aide rendent l'environnement propice, voire protecteur, à la santé et au bien-être d'une majorité de Jamésiens.

• La perception très positive de l'état de santé physique et mentale et le faible niveau de détresse psychologique.